Tous les signes extérieurs en attestent : les vacances sont bel et bien là. Il y a du soleil (parfois), il fait chaud (trop ?), les villes se vident de leurs habitants tandis que les touristes s’y engouffrent. Que l’on parte ou que l’on reste, le livre s’impose depuis longtemps comme le compagnon idéal d’une période si particulière durant laquelle, on a tous un peu envie d’arrêter le temps… Résultat : les Français le plébiscitent à 80 % pour remplir leurs valises estivales.
Mais à l’heure d’Internet et des réseaux sociaux aux contenus rédactionnels relégués au rôle de figurants face à l’omniprésence des images ?… À l’heure des tenants de la communication qui achètent des textes au kilomètre pour séduire Google et avilir dans le même temps de pauvres rédacteurs piégés par la modernité ?… À l’heure des incontournables smartphones, tablettes et autres liseuses, je vous pose la question : l’avenir du livre est-il aussi rayonnant que les soleils de juillet ?
« Digital addict » par profession, amoureux des livres par passion
Personnellement, je suis plutôt optimiste même si j’en conviens, je fais certainement partie d’une espèce en voie de raréfaction : les lecteurs invétérés. Si toute la sainte journée, je pianote avec application en regardant mon écran, je lis mes mails et même quelquefois des articles de journaux sur mon smartphone, si j’ignore ma tablette et ma liseuse puisque je n’en ai pas (!), dès que je veux m’extraire de l’agitation ambiante, j’ouvre un bouquin et je souffle un peu. Mon profil : « digital addict » par profession, « accro » aux livres par affection et besoin d’apaisement. Alors, je me dis que je ne dois pas être le seul à éprouver ce plaisir solitaire qui ne me rend nullement coupable. Et un récent sondage Toluna réalisé en mai 2018 pour Comptoir des Voyages auprès de 1000 répondants abonde dans mon sens. Jugez plutôt :
- 80 % des Français n’envisage pas de partir en voyage sans un livre,
- le genre littéraire qu’ils préfèrent : le roman policier (47 %), viennent ensuite la fiction (27%) et les romans d’amour (16%),
- Guillaume Musso est leur auteur préféré (54%), viennent ensuite Maxime Chattam (37%), Joël Dicker (31%), Franck Thilliez (26%) et Katerine Pancol (22%)…
Évidemment, ce classement consacre des auteurs à succès et je m’étonne d’ailleurs que Marc Levy n’y figure pas… Son immense popularité appartient-elle déjà au passé ? Dans tous les cas, objectivement, le succès et la notoriété consacrent des auteurs à l’inspiration « mainstream » quand beaucoup d’autres, plus audacieux, plus exigeants, moins dans l’air du temps, ont un mal fou à vivre de leur plume. Mais comme j’ai décidé de voir le verre à moitié plein, je retiendrai simplement que les Français restent attachés au livre. Après tout, l’histoire de notre pays s’est souvent confondue avec le destin de ses grands écrivains. Zola et l’affaire Dreyfus en sont la plus belle démonstration. Et je me dis que les lecteurs de Guillaume Musso ou de Katerine Pancol auront peut-être un jour ou l’autre la curiosité de prendre des chemins littéraires de traverse. Qui sait ? On peut s’en navrer ou s’en réjouir, dans notre pays en particulier, les lecteurs ne sont pas prêts à déchirer leur pacte secret avec le papier. Et avec 3 % seulement de l’édition, l’engouement pour la lecture numérique se fait sérieusement attendre. À l’exception du secteur des manuels juridiques et scolaires.
La France des livres et des libraires : des chiffres pour les lettres
- 3200 libraires indépendants dans tout l’Hexagone,
- 43 % de parts de marché à leur actif,
- hélas, le marché du livre scolaire, un des piliers de leur activité, succombe peu à peu aux sirènes du digital avec 133 000 classes de collège équipées…
Pour le livre, l’Amérique, un nouvel eldorado ?
Mais quand est-il du côté de ces chers Américains si promptes à s’enthousiasmer pour les dernières tendances et à renier du jour au lendemain ce qu’ils avaient porté aux nues le jour précédent ? Contre toute attente, ils sont nombreux à appeler de leurs vœux ce que les spécialistes nomment déjà la « digitale detox » et semblent dans le même temps éprouver un regain d’intérêt pour les petites librairies. Du jamais vu au pays d’Amazon et au royaume de l’économie de marché cerné par les grandes enseignes… Non, le gouvernement Fédéral n’a rien fait pour les libraires indépendants même si le « buy local » cher à Donald Trump leur a sans doute offert un petit coup de pousse. Pour une fois que ce Président par défaut sert l’intérêt commun… Regroupés en association, leur chiffre d’affaires a progressé de 5, 4 % depuis 2012. Une performance pour le secteur. La raison principale de ce revirement ? Le besoin de contacts directs et de conseils des lecteurs. À cela, les mastodontes du numérique mettront très longtemps à trouver une parade qui fasse le poids.