« Ah bon, la rédaction, c’est un métier ?… »
Article à propos de la campagne réalisée pour l’Opéra national de Paris, signée par l’agence Dream On et photographiée par des artistes de talent tels que Bill Viola (octobre 2018).
Quand on est rédacteur et que l’on travaille dans le monde de la communication, on entend souvent ce triste refrain : « Ah, vous savez les textes, personne ne les lit ! » Et quand on voit la place prédominante accordée à l’image dans de nombreux supports de publicité, on pourrait finir par croire que ces esprits chagrins ont raison… Une fois pour toute, ne nous fions pas aux apparences. La suprématie de l’image est un leurre. Et dans une campagne réussie, n’en déplaise à certains, les mots comptent souvent doubles ou triples. Comme au Scrabble. Et font au moins toujours jeu égal avec la partie visuelle. La nouvelle campagne de promotion des spectacles de l’Opéra de Paris nous en offre la plus parfaite illustration.
Au centre de clichés puissants au caractère souvent hypnotique, des textes à la mise en page pas séduisante pour deux sous, apposés à la manière d’un post-it, s’invitent au grand bal de l’Opéra. Le contenu : on plonge des histoires vieilles de plusieurs siècles dans un bain de jouvence en les parant d’un ton délicatement décalé. Et pourmontrer leur intemporalité, leur modernité dans un enchaînement logique, on lève le voile sur la trame du spectacle qui va se jouer prochainement à Bastille ou au Palais Garnier. Avec des mots, encore des mots, toujours des mots. On notera au passage que pour toucher le cœur du public à travers le temps, des œuvres comme Bérénice, Tristan et Isolde, les Huguenots, les spectacles de danse et puis tous les autres, emploient toujours les mêmes recettes à l’efficacité éprouvée. Avec des termes choisis, ils racontent des histoires auxquelles tout le monde peut s’identifier. Elles sont parfois simples, parfois plus complexes mais toujours émouvantes et porteuses de suspense. Que l’on soit riche ou pauvre, que l’on habite à Sarcelles ou dans le XVI ème arrondissement, à Manille ou à Los Angeles, avec elles, on en redemande. En matière d’art notamment, la bonne formule pour gagner le cœur des gens : offrir un supplément d’universalité, d’âme à son récit quand on veut émouvoir, séduire, convaincre.
Mais revenons à notre campagne… Pour résumer sommairement sa mécanique, on pourrait dire que chaque visuel magnifie l’intention générale. Et que l’apport rédactionnel installe une histoire, suscite la curiosité, offre la promesse de péripéties palpitantes. Jouant les trouble-fête par son refus de l’esthétisme. Optimisant ainsi sa lisibilité. Sans le texte, avec cette campagne, l’Opéra de Paris servirait son image de marque avec panache. Grâce à lui, il peut espérer une « standing ovation ». Avec l’ambition d’atteindre pleinement son objectif : attirer un public de plus en plus large, le rajeunir, combattre les idées reçues vis-à-vis de l’opéra. En ayant capté l’attention bien au-delà du regard admiratif porté à une image séduisante.
Même si l’audience des supports de communication les dispense de toujours viser l’universalité (restons modestes), ils deviennent percutants, efficaces, vendeurs quand ils disposent d’une assise solide. Et seule une argumentation pertinente servie par des textes pensés, ciselés peut leur fournir cette assise. Le magazine Paris-Match qui fait référence en matière de succès d’audience l’affirme haut et fort : le poids des mots, le choc des photos. L’un ne va pas sans l’autre. Et l’un ne domine pas l’autre. Un rédacteur de parti pris pourrait même hasarder que l’on voit fréquemment des annonces publicitaires sans aucune image, servie uniquement par des textes, et qui peuvent avoir l’impact d’un manifeste. Mais que l’inverse reste extrêmement rare. Sans l’apport de l’écrit, la communication souffrirait d’instabilité chronique, plongerait son auditoire dans des sommets de perplexité, s’abîmerait dans des sables mouvants. Sans jamais atteindre sa cible. Bref, « elle ne ferait pas le job ».
Les mots constituent le squelette de tous les supports de communication. On a donc intérêt à s’offrir ce qui se fait de meilleur en la matière. En confiant leur rédaction à des professionnels. D’autant plus que derrière des mots bien pesés, il y a toute la réflexion, la conceptualisation, l’efficacité qui permettent d’aller droit au but. Armés des lettres de l’alphabet, on n’avance jamais dans le noir. Que vous preniez une simple accroche, un slogan, une signature ou un texte plus étoffé, la partie visuelle viendra illustrer, sublimer, éclairer le discours rédactionnel. Sans jamais le supplanter quand il s’agit d’installer durablement un produit, une marque, une idée-force. Et informer, bâtir une solide argumentation, faire sens véritablement.
Une autre preuve de l’importance des mots dans la communication ? L’impatience chronique des esprits un peu chagrins cités plus haut qui vous prient de livrer votre « blabla » au plus vite, constatant un rien surpris que sans la première pierre posée par la rédactrice ou le rédacteur, la maison ne verra jamais le jour. Et cela faute de fondations, étape indispensable à l’expression du talent des graphistes, des designers et des vidéastes géniaux comme monsieur Viola. Dont nous toutes et tous, artisans des mots, applaudissons le talent à tout rompre.
- Le site de l’agence Dream On : www.dream-on.fr
- Le site de Bill Viola : www.billviola.com
- Le site de Corinne Mercadier : www.corinnemercadier.com
- Le site de Aëla Labbé : www.aelalabbe.com