Pour Amnesty International hélas ! tout ce qui brille n’est pas d’or.

Le parti pris de la campagne : un affichage sauvage plus en phase avec le propos.

À l’occasion de la Fashion Week, Amnesty International a dévoilé une campagne dénonçant les ventes illégales d’armes effectuées par la France à destination de certaines contrées peu regardantes concernant les droits de l’homme. L’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis en particulier. Rappelons d’emblée que l’Hexagone, 3exportateur d’armes au monde, a ratifié le Traité international sur le commerce des armes (TCA) prohibant les transferts de matériel militaire vers des pays qui présentent un risque de violations graves du droit international humanitaire. Ce à quoi on pourrait rétorquer sans beaucoup se tromper que dans le cas des conflits armés, les belligérants s’assoient généralement allégrement sur ce genre de considérations. Et ce traité ressemble donc hélas ! à s’y méprendre à un vœu pieux. Sans impact véritable, se contentant de donner un coup d’épée dans l’eau. En irait-il de même pour cette campagne ?

Une campagne à la mode ?

Voulant dénoncer l’ambiguïté de la position française, la communication mise sur l’effet marquant des ambivalences. Elle souhaite interpeller les fashions victims – et plus si affinité – sur une réalité violente au moment où les défilés de mode véhiculent des images de rêve qui inondent la terre entière. Son intention : détourner le vocabulaire propre au milieu des élégances pour en faire une arme de guerre fustigeant un vilain commerce.

A-t-on affaire à un procédé sans réel impact ?

Autant le dire, sur la forme en tout cas, le pari est réussi. Les créatifs de l’agence DDB Paris ont admirablement « fait le job ». La conception-rédaction et les idées brillent comme des bijoux de chez Tiffany. Les visuels sont « léchés ». Parfaitement conformes aux publicités que produit l’industrie du luxe, l’autre grand exportateur français. Au total, quatre exercices de style pour enfoncer le clou et clouer le bec espère-ton, à tous les marchands « va-t-en-guerre ».

Une cible difficile à atteindre.

Sauf que sur le fond, le magistral « saut créatif » effectué ici, a plutôt tendance, selon moi, à brouiller le message, à atténuer son impact, à détourner ou distraire l’attention des éventuels lecteurs. Ratant un peu sa cible. Et hélas, on pense avec regret qu’il est encore bien loin le temps où Anna Wintour se lèvera en plein milieu d’un défilé pour dénoncer le dernier envoi de lance-roquettes à Riyad. Ou que Bernard Arnault deviendra un activiste pur et dur, prêt à s’immoler devant le ministère de la Défense.

L’évocation d’un showroom vous laisserait-elle froid d’indifférence ?

En règle générale, le rôle de la publicité consiste à sublimer des produits, à vendre du rêve. Elle se doit d’être attrayante et séduisante. Et pour arriver à ses fins, tous les artifices sont bons. Quand le pari est réussi, elle offre un beau spectacle que l’on peut applaudir. Pour peu que l’on soit bon public. En revanche, elle a un mal fou à énoncer des vérités, mettre en scène des faits précis ou pointer du doigt des agissements répréhensibles. On ne l’attend pas dans ce registre et si par hasard elle s’y aventure, on ne lui prête qu’une oreille distraite. Rien de grave : cela ne fait ni partie de ses attributions ni de ses savoir-faire. L’utiliser dans ce cadre équivaut souvent à effectuer une erreur de casting. Et dans le domaine de l’information, heureusement le journalisme professionnel et rigoureux a encore de beaux jours devant lui.

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Un exemple de visuel de l’ONG au traitement informatif : c’est souvent dans les vieux pots que l’on concocte la meilleure communication !

Moins de vernis, plus de transparence !

Au final, dans cette campagne, l’ambivalence, l’ambiguïté et la créativité représentent autant de pistolets braqués contre la noble intention de départ : à savoir la dénonciation de ventes illégales. En additionnant les visuels accrocheurs et les accroches percutantes, en empruntant des chemins de traverse pour tenter d’arriver au but, on recouvre le message initial d’un vernis qui finit par l’estomper, l’appauvrir, lui ôter sa raison d’être… Ce détournement réussi mais caricatural des codes en vigueur dans la mode agit un peu comme un pétard mouillé quand il s’agit de prendre les armes face à l’un des marchés plus florissants de la planète. Avec celui du luxe. Qui – soit dit en pensant – a certainement aussi quelques petits écarts de conduite à se reprocher.

L’indignation sur le mode fashion victim…

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