
L’autre jour, je pédalais paisiblement quand mon œil de rédacteur – toujours à l’affut des pépites rédactionnelles que nous propose trop rarement la production publicitaire – s’est fixé sur l’accroche et plus globalement sur une affiche signées par l’agence 4uatre pour l’enseigne ESPACES ATYPIQUES. Ladite enseigne spécialisée dans les transactions de biens immobiliers d’exception et d’expression (selon ses propres termes). D’emblée, cette apparition a suscité en moi un élan de sympathie irrépressible. À la fois pour le nom de marque. Et pour l’objet publicitaire qui s’offrait à moi. Au terme de mon périple, de retour chez moi, ma « machine à écrire » s’est immédiatement mise en route pour fixer à jamais mon bel enthousiasme. Et voilà ce qu’il en résulte.
ESPACES ATYPIQUES : un nom en or
Déjà, d’un point de vue de la création du nom ou du naming1 si l’on succombe aux anglicismes, on ne peut qu’être admiratif. Petit décryptage maison et à l’emporte-pièce de ce choix novateur qui a certainement dû batailler pour s’installer dans le paysage du marché immobilier mais qui épouse désormais l’air du temps avec une fougue insolente. Car je vous le dis comme je le pense : Nicole Joubert, Stéphane Plaza et les autres peuvent aller se rhabiller avec leurs patronymes un rien ordinaires. On baigne ici dans des eaux bien moins courantes.

Espaces d’abord…
Un mot qui sait accrocher l’attention des consommateurs actuels désirant tout sauf une vie étriquée et rétrécie. D’ailleurs, quand on les croise dans la rue, ces êtres si convoités des publicitaires semblent vouloir désespérément dire : « De l’air ! Donnez-moi de l’air pour chasser les virus inopportuns, échapper à l’étroitesse de ma cuisine actuelle, à la place si minime que l’on m’accorde dans les transports en commun, dans les ascenseurs et dans la société en général. De l’oxygène aussi pour oublier l’étroitesse d’esprit de mes voisins de palier. Oui, de l’espace en veux-tu, en voilà afin de permettre à mon ego de s’épanouir à l’envi à l’abri des regards inquisiteurs. Constamment malmené qu’il est par les méchantes et les méchants qui ne souhaitent qu’une seule chose : lui clouer le bec définitivement. La PAIX, j’exige que l’on me foute la paix quand je me calfeutre entre mes quatre murs atypiques ! Enfin, je revendique haut et fort mon droit à l’évasion, à des horizons nouveaux et au soleil comme s’il en pleuvait afin de faire la nique à la grisaille ambiante et au vertige du temps qui passe. Tout cela parce que je le vaux bien, vous comprenez ? »
À la vérité, mieux qu’aucune autre, l’enseigne dont on parle semble avoir saisi les nouvelles aspirations de ces chers consommateurs.
… Atypiques ensuite.
En continuant à décoder leurs pensées, ces femmes et ces hommes de la rue assoiffés de bien-être immobilier ajouteraient sans doute : « Soyons clairs : pour m’offrir un bien immobilier digne de ce nom, je vais le plus souvent devoir inviter crédit, routine et conformisme dans mon cher way of life2 quand je n’aspire qu’à l’exceptionnel. Autant dire que pour avaler cette pilule si amère, j’ai sacrément besoin de savoir que l’originalité, la singularité, la particularité, la créativité (eh, eh…) résidera sous mon toit. » Elles ou ils confieraient aussi en catimini : « Mon nouveau T3 possède un je-ne-sais-quoi d’atypique qui va en faire craquer plus
d’un ! » Évoquant également avec une légèreté un peu feinte l’aspect délicieusement décalé de certains aménagements, histoire de raviver quelques rêves de transgression adolescente bien enfouis sous la couette en plume d’oie de la suite parentale. Ah ! Quand la parole de ces chers consommateurs se libère…
En résumé, en conclusion, en 2021 quand on souhaite prospérer dans l’immobilier, Espaces Atypiques, ça le fait. Partant bien sûr du postulat que l’enseigne ne sélectionne que des biens d’exception et d’expression de qualité. Car il faut bien l’avouer, une bicoque truffée de poteaux disséminés dans toutes les pièces ou un loft avec vue sur décharge publique constitueraient aussi en soi des espaces atypiques. Mais quand on opte pour une communication si brillante, on ne s’aventurerait jamais à décevoir ses clients, n’est-ce pas ?

Une accroche qui fait TILT, un slogan qui fait mouche.
Cela étant dit, revenons à nos moutons et à mon œil irrésistiblement attiré par l’affiche de l’abribus installé pas loin de chez moi… En vérité, c’est moins le nom de l’enseigne (qui pourtant m’enthousiasme au plus haut point, on le sait maintenant) que l’accroche, à l’origine du mouvement de mon globe oculaire prétendument avisé. Je cite le slogan qui fait certainement TILT dans toutes les chaumières atypiques de France et de Navarre : « Le banal est l’ennemi du bien » Et là, franchement, quand on est rédacteur et honnête homme, on applaudit des quatre mains3 à ce détournement majeur ourdi par une plume sacrément inspirée. Bousculer quelque peu une célèbre phrase généralement attribuée à Montesquieu pour aider Madame et Monsieur Tout le monde à dénicher leur prochain home sweet home4, ça vaccine du tout-venant. Et par cette astuce rédactionnelle, on épouse la marque et son identité pour une lune de miel quasiment éternelle. D’autre part, on est sûr d’obtenir une mémorisation optimale du message efficacement boosté par la popularité de la citation originale.
Et à propos d’ego, celui de ma consœur ou de mon confrère – dont les trouvailles sont certainement comme les miennes trop souvent reléguées au rôle de faire-valoir face à des visuels implacablement hégémoniques – se voit probablement ragaillardi par ce beau travail créatif dans lequel l’accroche domine. Du grand art signé par l’agence 4uatre qui – on le constate – se met en quête (et en quatre) afin de concocter les concepts les plus porteurs à ses clients.
Encore plus d’accroches au ton différent, encore plus de slogans accrocheurs.
Littéralement transporté par l’irruption de cette première pépite, j’ai voulu en savoir plus sur les Espaces Atypiques puis sur leur communication. Et à la vérité, je n’ai pas été déçu. En effet, j’ai découvert un véritable filon recelant bien d’autres petits bijoux rédactionnels à la gloire de ces agences immobilières d’un nouveau genre. Jugez plutôt :
- « Défense de ne pas entrer »,
- « Qui se ressemble s’assemble »,
- « Jamais deux sans toit »,
- « La curiosité est un charmant défaut »,
- « Voir le Midi à sa porte » pour des biens situés dans la partie sud de la France,
- « L’habitat ne fait pas le moine »,
- « Loft story »…
Du grand art vous dis-je (ou presque), histoire d’offrir encore une marge de progression à l’agence 4uatre. Et on se prend à rêver… Si toutes les créations publicitaires exploitaient la même veine ? Celle qui consiste à tirer l’attention des consommateurs vers le haut quand on sollicite le plus souvent leurs bas instincts. Les campagnes de communication (re)deviendraient engageantes, attrayantes, pertinentes, amusantes, séduisantes, inspirantes quand elles nous servent trop souvent une cuisine triste et banale. Autrement dit l’ennemie du bien. Comme l’a si bien dit ce cher Montesquieu.

1. Pour les vilaines et les vilains qui pensent que l’herbe est toujours plus verte dans les campagnes anglo-saxonnes.
2. Oh le vilain.
3. Clin d’œil se voulant spirituel au nom de l’agence de communication.
4. Oh le vilain.
Le site internet d’Espaces Atypiques ICI
Le site de l’agence 4uatre ICI