
Je vais vous conter l’histoire d’irréductibles Bouchemainois, habitants de Bouchemaine, jolie localité située près d’Angers… Tels de gentils Gaulois retranchés dans leur village, ils souhaitent défendre la culture dans une commune qui – selon leurs dires – a tendance à la négliger. Pour se faire, ils se constituent en association et présentent une liste aux dernières élections municipales. Leurs beaux espoirs sont vite douchés : les électeurs les renvoient à leurs doux rêves de beaux-arts en tous genres. Qu’à cela ne tienne : décidés à offrir le spectacle d’une opposition constructive, ils imaginent et mettent en place le festival de Confluences dont les représentations ont lieu l’après-midi ou le soir dans des jardins de particuliers accueillants. Tout au long de l’été, artistes et compagnies s’invitent chez des organisateurs de spectacle d’un jour qui eux-mêmes reçoivent comme il se doit des spectateurs enchantés. Contredisant les plus sceptiques, à mi-parcours, le succès semble au rendez-vous ! Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes si la Municipalité en place ne faisait grise mine… Rencontre avec Alain Le Gall, l’une des chevilles ouvrières de cette belle aventure.

Comment sont nés le festival de confluences et ses spectacles aux jardins ?
Ma compagne et moi, nous habitons depuis seize ans à Bouchemaine dans le Maine-et-Loire et chaque été nous organisons un spectacle dans notre jardin à l’attention de nos amis, de nos voisins pour se retrouver ou dans certains cas tout simplement pour faire connaissance. Pour ma part, je trouve un peu triste de croiser des personnes tout au long de l’année sans jamais rien partager avec elles. Au départ, nous avions pensé opter pour un apéritif et comme nous sommes comédiens tous les deux, l’idée d’une représentation théâtrale a fait son chemin…
Parallèlement, l’année dernière, avec d’autres Bouchemainois, nous avons créé l’association Confluences à l’occasion des élections municipales et nous avons présenté une liste qui hélas n’a pas obtenu la majorité. Notre programme avait entre autres l’ambition de redonner à la culture la place qu’elle mérite alors qu’à Bouchemaine en particulier, depuis sept ans, elle se trouve plutôt en déshérence. À l’issue du scrutin, nous souhaitions vivement pratiquer une opposition constructive et l’idée du festival a germé peu à peu…
Comment passe-t-on d’une simple idée à sa réalisation sachant qu’elle implique le recours à des particuliers qui ne sont en aucun cas des professionnels du spectacle ?
Évidemment, notre connaissance à tous les deux du milieu artistique a certainement été déterminante dans la concrétisation du projet. Et puis forts de notre expérience des autres années, nous savions monter des spectacles dans les jardins ! Dans un premier temps, nous avons demandé aux membres de l’association qui en possédaient un qui soit assez grand pour accueillir un spectacle s’ils seraient partants et Frédérique, ma compagne, a contacté le SAAS(1), un regroupement de compagnies et de professionnels du spectacle vivant implantés dans notre département. Nous avons reçu une vingtaine de propositions et la mécanique s’est enclenchée tout naturellement sachant que notre premier désir était de privilégier les spectacles locaux…

Quel rôle les particuliers accueillants jouent-ils dans votre organisation ?
Il est primordial ! Après qu’ils ont choisi le spectacle qui correspond à leur sensibilité, nous les accompagnons concernant toute la logistique qu’implique le déroulement d’une représentation. Notamment la préparation du jardin (cela donne d’ailleurs l’occasion d’un bon nettoyage!), la communication autour de l’évènement et les différentes démarches à effectuer pour attirer le public en général et faire venir ses amis, le voisinage, la prise en charge des artistes avec la mise à disposition d’une « loge » même improvisée, l’installation du matériel, etc. Les accueillants fixent la jauge et s’occupent des réservations même s’ils ne gèrent pas la billetterie le soir de la représentation. Des bénévoles de Confluences s’en chargent.
Le festival a-t-il une identité artistique particulière ?
Notre seul parti pris : l’ouverture, la diversité… Cette première année, nous avons la chance de proposer du théâtre, de la musique, des contes, du chant, un spectacle musical… Nous souhaitons que chacun puisse s’y retrouver. Il faut dire que les spectacles aux jardins cassent un peu les codes en vigueur dans le monde de la culture institutionnalisée… Certains spectateurs de notre festival n’iraient pas forcément spontanément au théâtre. J’ai aussi l’exemple de voisins enthousiasmés par nos spectacles d’été qui ont eu ensuite envie d’assister à des représentations théâtrales dans l’année. Une autre de nos motivations fortes : désacraliser l’univers culturel très souvent associé à des stars inaccessibles, aux grands médias, à la télévision… Pour nous, l’action culturelle prend tout son sens dans une certaine proximité, une certaine simplicité : elle s’inscrit dans le quotidien. À la fin des représentations, ici les artistes partagent volontiers un verre avec les spectateurs, un dialogue enrichissant s’instaure et les barrières tombent. Les professionnels du spectacle ne sont pas des « intouchables » qui vivent dans une tour d’ivoire. D’ailleurs, pour que leur art soit en phase avec le monde qui les entoure, ils ont tout intérêt à le nourrir par une observation constante de la réalité…

La persistance des contaminations liées à la Covid-19 a-t-elle une incidence sur le déroulement des spectacles ?
Au mois de juillet, elle n’en a pas vraiment eu ! Dans les jardins, on peut facilement garder ses distances pour le bien-être de tous. Avec l’apparition du Pass Sanitaire, les choses vont un peu se compliquer et nous allons certainement limiter la jauge de chaque représentation à 49 participants pour ne pas être obligés de le réclamer. Il faut les comprendre, les accueillants rechignent à jouer les gendarmes et ils ne souhaitent pas vraiment refouler leurs amis non vaccinés qui veulent se joindre à eux !
Comment envisagez-vous l’avenir du festival des Confluences ?
Cette édition nous a donné pas mal de travail et nous lui consacrons une grande partie de notre été. Mais évidemment comme tout se déroule pour le mieux, nous allons certainement étudier la possibilité d’une seconde édition l’année prochaine. Cela dépendra en partie du nombre de bénévoles prêts à s’investir avec nous !
(1) Structures-Artistes Associés Solidaires
- Le Facebook de « Spectacles aux jardins » pour plus d’informations et le programme complet : https://www.facebook.com/SpectaclesAuxJardins/
- Le site Internet du SAAS, regroupement de compagnies et d’individus professionnels du spectacle vivant implantés en Maine-et-Loire : ICI
- Le site de Gabriela Barrenechea : ICI

Photographies : * Annabelle Dronne ** Artiste non identifié